Internet est devenu incontournable dans nos vies quotidiennes. Les uns y vendent leurs produits et services, les autres y louent une maison de vacances. D’autres encore réservent leurs billets de spectacle en ligne, s’exposent ou s’expriment, y peaufinent leur image ou y travaillent leur influence.
Le Web 2.0, avec ses blogs, ses forums, ses réseaux sociaux et ses plateformes d’avis clients, est une formidable vitrine, un outil d’expression mais aussi un canal extraordinaire pour diffuser le « buzz », pour faire ou défaire une réputation. Pour les entreprises, gérer leur réputation en ligne devient un emploi à temps plein, les obligeant à pourchasser la rumeur, à défendre et contrôler leur image, et à mesurer leur popularité.
De leur côté, les consommateurs sont plus méfiants dans cette économie collaborative, s’intéressant autant aux avis positifs que négatifs postés sur les sites de commerce en ligne avant de boucler un achat. Le succès ou l’échec d’une entreprise dépend désormais autant de ces commentaires que de la prestation offerte. Ces deux acteurs sont-ils condamnés à se regarder en chiens de faïence ? Au contraire : il s’agit plutôt de mettre en place des garde-fous pour cultiver la confiance.
Une question de confiance
La réputation, autrefois orale, est devenue traçable sur le Web. L’impact sur les entreprises et leurs consommateurs de la réputation en ligne est étroitement liée à la confiance instaurée par les médias sociaux. Or une crise de confiance peut se poser à tout moment lors d’une transaction sur Internet, que ce soit entre particuliers (vente d’un objet d’occasion, covoiturage, location d’appartement) ou de particulier à entreprise. Internet a révolutionné la manière dont nous consommons. La relation à l’entreprise et à ses produits a changé. Les consommateurs achètent de plus en plus en ligne et ne se déplacent plus nécessairement physiquement dans les lieux de vente. Comment, dès lors, prendre une décision d’achat, orienter ses choix vers une marque plutôt qu’une autre dans cet univers virtuel ? Le bouche à oreille fonctionne toujours, bien entendu, mais une nouvelle pratique est venue s’ajouter dans la prise de décision : la lecture des commentaires et avis d’autres internautes, par ailleurs totalement inconnus. Que valent ces avis et comment leur faire confiance ?
Une étude menée en 2013 par la plateforme Bazaarvoice, un réseau commercial mettant en relation les marques, les distributeurs et les consommateurs, et l’institut de recherche marketing Newlio révèle que sept consommateurs sur dix remettent en question l’authenticité des avis en ligne. Ces appréciations sont bien évidemment critiques dans le processus d’achat et le pourcentage de visites en ligne et de lecture d’avis se soldant par une vente est regardé à la loupe par les sites de e-commerce. Ainsi, les avis en ligne sont vendeurs. « Oui », confirme Aurélien Dubot, Product Strategist, région EMEA, chez Bazaarvoice. Et d’expliciter dans le jargon du domaine : « En moyenne, les internautes qui lisent les avis en visitant une page produit convertissent 104 % plus que ceux qui ne lisent pas les avis. »
Les nouveaux consommateurs
Une nouvelle façon de faire des affaires, assurément. Une nouvelle façon de consommer également, car force est de constater que le rôle des consommateurs a radicalement changé avec le développement du e-commerce. La recherche de l'expérience d’autres utilisateurs est devenu un élément clé dans la prise de décision, qu’il s’agisse du choix d’un hébergement ou d’un fournisseur de soins de santé.
Matthias Lüfkens, Practice Leader, Digital, région EMEA, à l’agence de relations publiques Burson-Marsteller, confirme cette évolution : « De plus en plus, les consommateurs tendent à consulter les commentaires en ligne et à solliciter l'avis de leurs amis avant de prendre une décision d'achat. Ces clients éclairés ne sont d’ailleurs plus réceptifs à des bannières publicitaires ou autres pop-ups. »
Si la nature des interactions avec les fournisseurs ont subi des transformations sans précédent avec Internet, celles-ci ont, pour la plupart, été bénéfiques aux consommateurs, leur apportant un plus grand choix, plus de commodité et plus de voix.
Pour Richard Bates, Global Programme Manager, Consumers in the Digital Age, pour Consumers International, une fédération qui regroupe des organisations de consommateurs dans plus de 100 pays, il s'agit là d'un développement positif : « C’est l'une des manières les plus actives d’utiliser le Web pour les consommateurs, leur permettant de passer de consommateurs passifs à consommateurs actifs sur le marché. »
e-Réputation : danger ou opportunité
Ainsi, les avis positifs seraient la pierre d’angle d’une entreprise prospère. Mais que faire d’un commentaire négatif, qui peut à lui seul défaire une réputation ? Faut-il l’ignorer ou le détruire ? Il est vrai que les commentaires trompeurs ont posé un réel problème sur les plateformes d'avis de première génération. Parallèlement aux faux avis sont apparus des réactions délibérément malveillantes de la part de certains consommateurs ou, pis encore, de concurrents « déguisés » en consommateurs.
Fort heureusement, la riposte ne s’est pas fait attendre pour réformer ces pratiques douteuses : les plateformes de deuxième génération ne publient désormais que des avis d’internautes qui ont été préalablement vérifiés. Un modèle que s’arrachent du reste les marques, qui ont bien compris la valeur des commentaires de leur public pour renforcer le climat de confiance général. Bazaarvoice a du reste observé que le volume, l’authenticité et la qualité des avis sont les facteurs les plus importants. Soit, un produit avec une note moyenne de 3.5/5 et 50 avis convertira mieux qu’un produit avec une note moyenne de 5/5 mais seulement 2 avis. Qu’on se le dise.
La réalité est toutefois plus complexe. Les commentaires tant négatifs que positifs sont bénéfiques pour les sociétés, comme l’explique très bien Aurélien Dubot. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est important que les marques incitent tous leurs clients à écrire leur avis en ligne, et répondent aux avis négatifs pour leur apporter du contexte.
Ces avis sont une source d'informations particulièrement riche pour les entreprises dans l'amélioration continue de la qualité de leurs produits et services ainsi que dans le développement de la qualité de leur relation client. En effet, offrir des canaux d’expression à ses clients et, tout particulièrement, montrer que la marque est à l’écoute sont essentiels dans le comportement des entreprises. Et Aurélien Dubot d’expliquer : « Trois étapes sont nécessaires pour construire et cultiver une réputation d’excellence. La première est d’inviter les clients à partager leur expérience et participer à ces conversations en répondant aux commentaires ; la deuxième consiste à amplifier ces conversations en utilisant la voix du client comme preuve de qualité dans les tous les canaux de communication ; la troisième, enfin, s’attache à incorporer la voix du client au sein même de l’entreprise, en veillant à ce que chaque employé soit impliqué et mesuré en fonction de la satisfaction client. »
Miser sur la transparence
Quid de l'honnêteté et la transparence dans ce jeu de marketing ? Pour Bazaarvoice, les risques sont négligeables : « Il y a de moins en moins de place pour les pratiques malhonnêtes. Tout consommateur a désormais une voix et un grand nombre de canaux publics à sa disposition pour s’exprimer. Les marques qui dupent leurs clients ne pourront pas le faire sur le long terme, car les voix conjointes des consommateurs feront rapidement plus de bruit que celles des marques. »
Au contraire, les entreprises se doivent de rassurer les internautes en garantissant la fiabilité des avis en ligne. C’est pourquoi Bazaarvoice encourage ses clients à envoyer un signal fort aux autres acheteurs potentiels en stipulant que les avis publiés sur leur site se conforment à une police d’authenticité, sont impartiaux et ne sont pas « pilotés » par l’entreprise.
Des garde-fous nécessaires
Le rôle du consommateur est en profonde en mutation dans cette économie collaborative, notamment en raison de plateformes communautaires comme eBay ou Airbnb, qui permettent à tout un chacun de participer à la demande et/ou à l'offre sur un marché donné. Certes, si cette rupture technologique apporte de nombreux éléments positifs en termes de choix, de valeur et de possibilités, il n’en reste pas moins quelques points sensibles à régler.
Dans l’économie classique, il existe un cadre légal pour régler les litiges lors de transactions et il est tentant d’appliquer la législation existante à ce marché virtuel. Solution de facilité, certes, mais qui est vouée à l’échec. En effet, les changements apportés par la nouvelle économie ouvrent de nouvelles perspectives, mais pourraient inciter certaines entreprises à en profiter pour « contourner » la réglementation en vigueur, au détriment de la sécurité et de la protection du consommateur. Ces points sont aussi complexes qu’ils sont urgents à résoudre, et il faudrait étendre la protection des consommateurs pour qu’ils jouissent des mêmes droits que dans l’économie conventionnelle.
Richard Bates est optimiste : « La proposition visant à mettre en place d’ici 2016 une plateforme pan-européenne de règlement des différends en ligne représente une évolution notable que Consumers International examinera avec intérêt, tout comme le développement d’une Norme internationale sur la réputation en ligne. Cela représentera une avancée importante pour les consommateurs sur l’authenticité et l’impartialité des avis. »
Détrôner les faux-avis
Face au phénomène des faux-avis, il est primordial pour une entreprise d’instaurer avec ses clients potentiels une relation de confiance, fondée sur la transparence. Un référentiel international, telle une norme, obligerait une entreprise à accorder une plus grande attention aux avis des internautes. Il constituerait en outre une précieuse base d’informations pour améliorer la conception et la fiabilité des produits et services vendus en ligne.
La finalité, en somme, est de s’assurer que les consommateurs soient aussi bien protégés dans l’économie collaborative que dans l’économie traditionnelle. Reste à déterminer le meilleur moyen d’y arriver. C’est au nouveau comité technique ISO/TC 290 sur la réputation en ligne que reviendra la charge de réfléchir à la manière d’améliorer les usages sur Internet et dans les médias sociaux, d’impliquer toutes les intervenants dans la chaîne de valeur et d’instaurer un sentiment de confiance dans les nouvelles technologies et les médias.
Une lourde tâche ? Sans doute, car la norme qui naîtra de cette réflexion devra assurer la fiabilité et la transparence des trois processus du traitement des avis en ligne : leur collecte, leur modération par le gestionnaire et leur restitution fidèle.
Études de cas :
Deux entreprises ont su tourner les avis négatifs de leurs clients en opportunités :
Castorama
En 2009, afin de maintenir un volume élevé de commentaires en ligne, la chaîne française de bricolage Castorama a instauré un programme de note et d’avis qui a porté ses fruits. Résultat : une augmentation du nombre d’avis de 170 % entre janvier 2011 et janvier 2012.
En savoir plus : www.bazaarvoice.com/fr/industries/Castorama-renforce-sa-plate-forme-ecommerce.html
Boulanger
Enseigne française spécialisée dans le loisir, le multimédia et l’électroménager, Boulanger a établi une forte présence en ligne. Son catalogue de produits est constamment mis à jour en fonction des réactions des consommateurs.
En savoir plus : www.bazaarvoice.com/fr/industries/boulanger.html