Préparer la résilience

Lu en quelques minutes

Cet article appartient à nos archives.

Publié le
Partager sur , ,
Aujourd'hui, l'une des plus grandes préoccupations de l'humanité concerne les perturbations et ravages, causés par des catastrophes naturelles ou non, qui peuvent détruire des communautés entières. Mais rassurez-vous : le nouvel ISO/TC 292 a pour mission de renforcer la sécurité et la résilience dans le monde.

Cyclones, tremblements de terre, inondations… Autant de catastrophes qui font hélas régulièrement la une des journaux. Aujourd’hui, toutes les organisations doivent gérer, à des échelles diverses, les enjeux liés à la sécurité pour écarter des risques potentiels, réagir aux perturbations et, enfin, protéger leurs activités.

Les catastrophes ont pour les communautés pauvres et vulnérables du monde entier des conséquences désastreuses qui nuisent à la continuité opérationnelle des entreprises et imposent des opérations de remise en état et de reconstruction qui se chiffrent en milliards. Nous avons beau crouler sous les informations scientifiques et techniques, les catastrophes restent inévitables et entraînent des pertes toujours plus importantes sur le plan humain, environnemental et économique – d’après les Nations Unies, leur coût au niveau mondial serait d’ailleurs chaque année d’USD 100 milliards.

Aux catastrophes naturelles s’ajoutent des menaces multiples comme la contrefaçon, la cybercriminalité et le terrorisme – qui exigent une vigilance renforcée aux frontières et sur les réseaux de transport, la protection des données, une meilleure détection des fraudes et des stratégies de contre-attaque sur le terrain de l’information.

Alors, que faire ? Les organisations qui souhaitent assurer leurs arrières et leur pérennité dans ce contexte doivent mieux connaître les risques auxquels elles sont exposées, mettre en place des stratégies pour les atténuer, et gagner en résilience au regard de l’évolution constante des menaces, en mettant en place des moyens éprouvés leur permettant de réagir rapidement et efficacement en cas de difficultés. Et les Normes internationales, qui s’appuient sur une coopération mondiale, font partie de la solution. Nous avons rencontré Åsa Kyrk Gere, la nouvelle Présidente de l’ISO/TC 292, Sécurité, dont le secrétariat est détenu par la Suède, pour savoir comment préparer un avenir plus résilient.

ISOfocus : Mettons tout d’abord les choses au clair : sommes-nous face à un phénomène médiatique, ou notre sécurité est-elle vraiment de plus en plus menacée ?

Åsa Kyrk Gere,la nouvelle Présidente de l’ISO/TC 292, Sécurité.

Åsa Kyrk Gere : Les menaces pour la sécurité vont effectivement croissant. Le dérèglement climatique et les catastrophes naturelles se sont nettement intensifiés par rapport aux dernières décennies, au point que leurs conséquences ont été identifiées par la plupart des pays comme l’enjeu de sécurité numéro un.

Compte tenu de l’interférence de l’homme avec les écosystèmes, qui contribue au dérèglement climatique, les catastrophes se sont multipliées et sont montées en puissance, soulignant la nécessité croissante pour la société – et les organisations – de construire la résilience et de s’adapter aux risques et menaces en constante mutation. J’entends par là qu’il faut trouver des moyens de prévenir et d’atténuer les risques, et d’améliorer notre préparation et notre capacité à réagir.

Preuve de l’engagement mondial sur cette question, 187 pays se sont rendus à Sendai, Japon, en mars 2015 pour participer à la Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe, et négocier le nouveau cadre de réduction des risques de catastrophe pour l’après-2015 - le Cadre de Sendai - qui fixera les objectifs pour les 15 prochaines années.

Une séance s’intéressait en particulier à l’aide que les normes peuvent apporter pour faciliter et appuyer la mise en œuvre de ce nouveau cadre. La conclusion était claire : les normes sont un outil essentiel qui peut accompagner le travail effectué par l’ONU pour nous préparer aux catastrophes et accroître la résilience de notre communauté.

Quels sont aujourd’hui, selon vous, les problèmes de sécurité majeurs pour notre société ?

Les problèmes à résoudre pour une société plus sûre, plus sécurisée et plus résiliente sont les mêmes dans le monde entier. On peut en distinguer quatre :

  • Sur le plan local et régional, notre aptitude à faire face et à réagir aux catastrophes s’avère aujourd’hui terriblement insuffisante, et les pays déploient d’importants efforts pour rationaliser et optimiser leur réponse aux situations d’urgence, ce qui n’est pas sans difficulté pour ceux dont les services d’intervention n’ont pas suffisamment d’effectifs pour affronter les nouveaux défis. Mais les organisations doivent également tenir compte des nombreux autres risques et des menaces que fait peser le dérèglement climatique, et prendre des mesures supplémentaires pour se concentrer sur leur management de la sécurité, leur management de la continuité opérationnelle et, le cas échéant, leur réponse aux situations d’urgence.
  • Les villes ne cessent de s’étendre du fait de la croissance démographique fulgurante et de l’urbanisation rapide. D’après l’ONU, cette tendance est si marquée que, d’ici 2050, pas moins de 66 % de la population mondiale habitera en zones urbaines. Et comme si le tableau n’était pas assez sombre, plusieurs de ces mégalopoles sont situées dans des zones exposées aux inondations et aux séismes. Les difficultés auxquelles une société est confrontée, en termes de sécurité et de résilience, pour maintenir ses infrastructures et ses fonctions sociétales cruciales – les actifs, les services et les systèmes fondamentaux nécessaires au fonctionnement de notre société – sont innombrables. Nombre de ces services et fonctions sont dans les mains d’organisations, privées et publiques, dont le fonctionnement dépend des mêmes systèmes. Leur management de la sécurité et de la continuité opérationnelle, ainsi que leur aptitude à faire face aux perturbations et aux catastrophes, est d’une importance capitale.
  • L’une des grandes difficultés aujourd’hui est d’assurer la sécurité des fonctions vitales pour la société, car elles jouent un rôle fondamental pour la société dans son ensemble. Parmi les services et systèmes qui doivent absolument fonctionner, figurent notamment les systèmes financiers, les services d’approvisionnement en eau et de gestion des eaux usées, l’approvisionnement énergétique, les communications électroniques, et divers types de systèmes de contrôle comme les barrages, les transports publics, la sécurité aux frontières et la sécurité portuaire, etc. À cela s’ajoutent des fonctions sociétales comme la protection des données, de la propriété intellectuelle et de l’identité contre la contrefaçon et le vol, qui causent d’importantes pertes financières aux organisations.
  • Nous vivons dans un monde de plus en plus instable, avec de nouveaux paramètres politiques, économiques et sociétaux, ce qui demande une attention accrue sur les enjeux de sécurité sociétale – de la sécurité des frontières aux points de contrôle aériens, terriens et maritimes, aux violentes formes que prennent l’extrémisme et le terrorisme – et une réponse efficace promouvant une approche de tolérance.

Conscientes de ce contexte difficile, la plupart des organisations sont forcées d’adopter une approche pluridisciplinaire. Nos dysfonctionnements nous montrent que la société doit faire un effort de coordination et de rationalisation pour bâtir le monde sans danger, sûr et résilient auquel nous aspirons. Les normes, cela va sans dire, jouent ici un rôle central. L’ISO/TC 292, , peut faire toute la différence pour les organisations – qu’elles soient dans un secteur donné ou plusieurs – en satisfaisant à leur besoin de normes de sécurité qui améliorent la sécurité et la résilience de la société.

Vous qui venez d’accéder à la présidence de l’ISO/TC 292, quelles opportunités voyez-vous pour le comité ?

Les villages ont adapté leurs constructions pour protéger la population.
Photo : Rory Hunter, AusAI
D

Pour ce qui est de faire du bon travail, les opportunités pour l’ISO/TC 292 ne manquent pas. Toutes sortes de normes sont nécessaires pour aider les organisations et les communautés à gagner une résilience qui leur donne plus de sécurité pour l’avenir. Aujourd’hui, nous devons assumer notre responsabilité commune et adopter une approche holistique et multidisciplinaire si nous voulons préparer un avenir plus sûr et résilient. Cela implique également de venir en renfort à tous les niveaux - localement, nationalement, régionalement et mondialement – et d’agir à tous les stades - avant, pendant et après un événement. Les normes jouent un rôle vital, à la fois en contribuant à cette rationalisation et en apportant un complément aux normes sectorielles.

C’est également pour l’ISO une excellente occasion de soutenir les cadres mis en place par l’ONU, qui sont fondés sur un consensus obtenu avec plus de 180 pays, dont bon nombre reconnaissent le rôle essentiel des normes en tant qu’outil pour améliorer et renforcer la mise en œuvre de ces cadres. Je me suis engagée personnellement à cet égard à faciliter la coopération entre l’ISO et l’ONU. En outre, l’ISO/TC 292 a décidé de créer un groupe d’étude sur la coopération avec les institutions spécialisées de l’ONU pour étudier comment les normes actuelles et futures peuvent soutenir les activités de l’ONU et aider à mettre en oeuvre ces cadres.

Enfin, pris dans une perspective ISO, c’est également une excellente opportunité d’améliorer la coopération et la coordination avec les autres comités techniques dont le travail est étroitement lié au nôtre. Je pense en particulier à l’ISO/TC 268, Aménagement durable, l’ISO/TC 262, Management du risque, et l’ISO/IEC JTC 1/SC 27, qui s’occupe des techniques de sécurité des technologies de l’information. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup pour améliorer la sécurité de la société.

Un monde d’opportunités qui n’est pas sans difficultés, donc…

Les Haïtiens improvisent des campements dans la capitale après le séisme qui a frappé Port-au-Prince en janvier 2010.
Photo : United Nations Development Programme

Oui. En effet, notre première grande difficulté est de réussir à articuler les différents secteurs de notre vaste domaine des travaux et de trouver une stratégie commune. Dépasser les divisions sectorielles et créer un ensemble fiable de normes de sécurité qui ne se chevauchent pas ni ne causent une confusion sur le marché est une entreprise fort délicate.

Renforcer l’engagement des parties prenantes n’est pas une mince affaire non plus, mais nous nous efforçons d’accroître la participation de représentants de tous horizons – administrations publiques et autorités, ONG et PME. Cela implique d’attirer des experts de haut vol d’un large éventail de secteurs et de promouvoir un dialogue ouvert et participatif qui finira par donner des normes de haute qualité dans ce domaine.

Une autre difficulté est d’encourager les pays de l’hémisphère Sud à participer à nos travaux. Ce sont eux les plus touchés par les conséquences du dérèglement climatique et les plus concernés par l’urbanisation. Notre ambition, au sein de l’ISO/TC 292, est de rassembler un noyau dur de pays en développement actifs qui élaboreront les normes qui répondent à leurs besoins. C’est pour cela que nous les invitons à rejoindre notre comité : pour qu’ensemble, nous puissions trouver un bon équilibre entre les régions et – plus important encore – élaborer des normes de pertinence mondiale.

Comment voyez-vous la demande de normes pour une société plus sûre, plus sécurisée et plus résiliente, dans le monde ?

Des membres de la communauté des îles Mentawei, en Indonésie, s’informent des risques de tremblements de terre et de tsunamis..
Photo : Jason Brown/AIFDR

De plus en plus de risques menacent la sécurité de la société, ce qui exige des organisations qu’elles développent leurs capacités à identifier, à comprendre, à se préparer et à faire face à des menaces dans tous les domaines. Indépendamment de leur statut (public ou privé) ou de leur taille, toutes les organisations doivent œuvrer aujourd’hui pour bâtir leur capacité de résilience. Bon nombre d’entre elles sont à la traîne et doivent déployer davantage d’efforts dans ce domaine. Ensemble, nous pouvons changer la donne, et il est crucial pour cela de s’aider des normes. La société n’aura jamais que la force de son maillon le plus faible.


Dans quels domaines manque-t-il des Normes internationales ?

Dans tous les domaines. Les Normes internationales restent très insuffisamment utilisées pour la sécurité sociétale. J’ai identifié quatre grandes difficultés qui compromettent l’édification d’une société sûre et résiliente. Pourquoi se limiter ? Je suis convaincue de l’intérêt et de l’ampleur des possibilités que présente l’élaboration de normes pour ces quatre questions essentielles. En matière de normes de sécurité, le monde nous appartient !


Default ISOfocus
Elizabeth Gasiorowski-Denis

contact pour la presse

press@iso.org

Journaliste, blogueur ou rédacteur ?

Vous souhaitez obtenir des informations exclusives sur les normes, ou simplement en savoir plus sur ce que nous faisons ? Contactez notre équipe ou consultez notre dossier médias.