D'où viennent nos fiascos financiers ?

Resserrement du crédit, krach financier, récession – peu importe le nom qu’on lui donne – la crise économique amorcée en 2008 a entraîné d’inquiétantes réactions en chaîne.

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Par Elizabeth Gasiorowski Denis
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Les difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontés un grand nombre de salariés (hommes et femmes confondus), de familles et de collectivités sont liées à l’érosion des emplois stables, à la diminution des revenus et à la hausse massive du coût de la vie. Beaucoup de familles vivent dans un état de stress financier quasi permanent. Trop nombreux sont les parents qui ne trouvent plus le sommeil, hantés par la crainte de ne pouvoir garder la tête hors de l’eau jusqu’à la fin du mois.

La crise économique conduit de plus en plus de gens à cultiver, concrètement, leur propre jardin.

L’Organisation internationale du travail estime que depuis le début de la crise, un déficit mondial de 67 millions d’emplois s’est creusé. Malgré une amélioration de la situation de l’emploi ces dernières années, le chômage mondial reste très élevé et devrait toucher près de 208 millions de personnes d’ici 2015 et 214 millions de personnes d’ici 2018.


Alors une question demeure : que faire pour relancer l’économie ? Avec une demi-décennie de recul, force est de constater qu’il faut réfléchir à des solutions plus créatives. C’est précisément ce qu’un certain nombre d’économistes et de spécialistes de l’export préconisent aujourd’hui au monde entier. Pour les grands spécialistes que sont John Wilson et Khemraj Ramful, une solution possible pourrait être de recourir plus largement aux Normes internationales pour stimuler la croissance économique grâce aux échanges commerciaux.


Les bases du commerce international

John Wilson, Économiste principal au Groupe du commerce international du Groupe de recherche sur le développement de la Banque mondiale, constate que l’économie mondiale reste fragile malgré sa progression, et qu’il faut donc poursuivre les efforts pour promouvoir la croissance, réduire les coûts opérationnels des entreprises, et créer un environnement propice aux affaires. « À cet égard, je suis convaincu de l’importance de l’action conjuguée de différentes mesures – réforme de la réglementation, harmonisation des normes avec les normes internationales, ainsi que d’autres initiatives qui peuvent aider à élargir le marché et à soutenir la croissance économique. »

Comme l’explique M. Wilson, les recherches montrent que les normes mondiales peuvent stimuler le commerce en abaissant le coût des échanges, en facilitant l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales, et en permettant aux entreprises d’accéder à de nouveaux marchés étrangers. Les recherches de la Banque mondiale indiquent notamment que pour les échanges commerciaux dans le secteur des TIC, qui représente un marché essentiel pour la nouvelle économie mondiale, l’harmonisation des normes est un sérieux atout¹. Il y a ainsi possibilité de créer les emplois qui nous font tant défaut, d’encourager l’innovation et d’améliorer la productivité, ce qui favorisera la lutte contre la pauvreté et permettra d’améliorer le niveau de vie de chacun.

Les entreprises ne sont pas encore prêtes (ou disposées) à participer à la normalisation.

Nous devons toutefois veiller, comme le relève M. Wilson, à ce que les pays en développement et les petites et moyennes entreprises (PME) puissent saisir ces opportunités et n’en soient pas exclus en raison des frais fixes à débourser pour s’adapter aux processus et méthodes de production à mettre en place. Quant à la formule qu’il préconise, l’économiste célèbre pour ses travaux en normalisation avance sans hésiter l’« initiative de normalisation au niveau mondial ».

Soulignant que la relance du commerce mondial peut être un catalyseur majeur pour une croissance durable, M. Wilson précise qu’avec le retour à la croissance et la baisse des tarifs douaniers mondiaux, l’importance des mesures non tarifaires, comme les normes et les réglementations techniques, ne cesse de croître – notamment avec la montée en force des chaînes d’approvisionnement mondiales.

De fait, la recherche de M. Wilson met en évidence à quel point les mesures non tarifaires peuvent présenter d’importants avantages pour le commerce mondial. Dans l’une de ses études, il constate qu’en facilitant davantage les échanges grâce, notamment, à la modernisation des pratiques douanières et l’amélioration des cadres réglementaires régissant l’activité économique, le volume mondial des échanges commerciaux augmenterait de USD 377 milliards². L’harmonisation des normes est un moyen important de réduire les coûts commerciaux, d’améliorer l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement, et d’encourager une croissance économique inclusive et durable.


L’importance non négligeable des PME

Les perspectives économiques de M. Wilson sont dans le droit fil de celles du spécialiste de l’export, Khemraj Ramful, Conseiller principal en gestion de la qualité à l’exportation au Centre du Commerce International (ITC). Pour ce dernier, les PME jouent un rôle essentiel dans les programmes de réduction de la pauvreté du fait de leur contribution potentielle à la croissance économique.

En leur facilitant l’accès aux informations sur les réglementations techniques et les normes, en les aidant à se conformer aux exigences des Normes internationales et en leur donnant un meilleur accès à des services compétents d’évaluation de la conformité, nous aiderons les PME à se développer dans un marché mondial de plus en plus compétitif, de manière à ce qu’elles puissent contribuer au recul de la pauvreté.

M. Ramful pense aussi que les normes sont une solution pour pallier l’absence de confiance persistant entre les partenaires commerciaux. « Les Normes internationales de l’ISO ont assurément un rôle à jouer pour éliminer les obstacles techniques au commerce et pour aider les entreprises des économies en développement qui prennent part aux chaînes de valeur mondiales. La mise en œuvre de Normes internationales peut aider à instaurer cette confiance.

« De ce point de vue, pour Monsieur tout-le-monde, si les Normes internationales favorisent les exportations, elles auront alors un effet positif sur la création d’emploi et sur la réduction de la pauvreté dans les économies en développement. »


Une participation rentable

Source : OIT

Alors que M. Wilson et M. Ramful jugent encourageants les efforts collectifs déployés pour stimuler la reprise et la croissance, le professeur Knut Blind, qui est le plus éminent spécialiste européen d’économie politique chargé d’une chaire en normalisation, perçoit toujours une difficulté fondamentale. Dans un entretien récent au sujet des groupes de recherche qu’il dirige à Berlin, en Allemagne³, M. Blind explique qu’il reste difficile de convaincre les entreprises de prendre part aux activités de normalisation et d’envoyer des experts aux comités.

Même s’il ressort de ses récents travaux qu’il existe, dans les entreprises, une corrélation positive entre leurs dépenses en recherche et développement (R&D) et leur propension à participer aux activités de normalisation, elles sont encore nombreuses à privilégier leurs propres activités de R&D et à protéger leurs résultats par des brevets plutôt que d’exploiter les éventuelles synergies qui pourraient découler de leur participation à la normalisation.

Les conclusions de M. Blind selon lesquelles certaines entreprises ne sont pas encore prêtes (ou disposées) à participer à la normalisation devraient mettre en alerte les organisations internationales de normalisation comme l’ISO. S’il ne fait aucun doute, pour la plupart des entreprises et pour des économies tout entières, qu’il est profitable d’investir dans la normalisation, bon nombre de ceux qui le devraient, n’y participent pas. C’est bien le signe que nous (c’est-à-dire la communauté de la normalisation internationale) devons davantage mobiliser nos efforts en direction des entreprises, et notamment des petites et moyennes entreprises, pour convaincre leurs dirigeants de ce qu’ils gagneraient à s’engager dans la normalisation.

Faute de participation active à l’élaboration des Normes internationales et faute d’utilisation des normes, on court le risque d’une fragmentation de la production et d’une marginalisation des plus faibles (PME et pays en développement), susceptibles d’entraîner une baisse de la croissance dans l’économie mondiale. N’est-il pas temps d’agir tous ensemble ? 



1) Portugal-Perez, A., Reyes, J. and Wilson, J.S. (2009). « Beyond the Information Technology Agreement : Harmonization of Standards and Trade in Electronics ». Document de travail de recherche sur les politiques 4916, Banque mondiale.

2) Wilson, J.S., Mann, C.L. and Otsuki, T. (2005), « Assessing the Benefits of Trade Facilitation : A Global Perspective ». The World Economy, 28:841-871 3.

3) Groupes de recherche de M. Blind : Chaire de normalisation, Université Erasmus, Chaire de l’économie de l’innovation, Université technique de Berlin, et Institut Fraunhofer pour les systèmes de communication ouverts.


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